Parler
de densification est un sujet délicat, qui amène souvent à
s'exposer à l'opprobre publique, à l'exposition intentionnelle et
malveillante de la part d'autrui aux maladies contagieuses, se faire
traiter de sale communiste ou de capitaliste (sale aussi), selon l'orientation
politique de votre interlocuteur.
Le
sujet réveille un traumatisme collectif au moins aussi fort que
l'exécution de Groquick par la marque Nestlé, il est le symbole
d'une époque urbanistique louche: les années soixante, amorce
de l'hyper-concentration urbaine.
La défense au début des années 60 (une image parmi tant d'autres sur le siteParis Unplugged
https://www.paris-unplugged.fr/1958-histoire-de-la-defense/
Disons
le tout net, mues par une certaine urgence, les années soixante ont
été le théâtre de nombreux abus, pas seulement immobiliers. C'est
les temps du « zoning » (concept urbain fonctionnaliste)
de la création d'autoroutes qui ont coupé des villes de leur
rivière (Valence, Vienne, Angers, Paris..), du tout voiture qui
voulait couvrir le canal St Martin d'une quatre voies, l'autoroute
Nord-Sud qui démarrait rue de Flandres, dont on a allègrement rasé
un coté, celle des expropriations abusives pour développement
planifié de quartiers de bureau (Nanterre et Courbevoie pour la
Défense) ou de logements (Belleville, la place des Fêtes, Nanterre
ou les ZUP provinciales).
Place des Fêtes avant/après...c'est vrai, c'est un peu moins fun..
Le
promoteur contemporain, pas toujours blanc comme neige il est vrai, à
le bénéfice de jouir à la fois de l'image exécrable de ses
ancêtres + des politiques publiques dont on a pu apprécier une
certaine ineptie assez vite.
Démolition rue du Pressoir en 1962 à Paris . Image à double sens: libération des taudis pour un avenir radieux et bétonné lors de la prise de vue, paradis perdu 10 ans plus tard.
En
l'occurence dès 1969, l'arrêté du 14 juin concernant la
réglementation acoustique est le premièr signe de reconnaissance de
certaines carences de l'hyper-concentration.
A
partir de là, tout part en cacahouète pour les grands ensembles,
avec la mise au ban définitive par une circulaire du 21 mars 1973
d'une loi interdisant la construction de grands ensembles.
Morceau
choisi :
« L'homogénéité
des types et des catégories de logements réalisés,la monotonie des
formes et de l'architecture, la perte de la mesure humaine dans
l'échelle des constructions ou des ensembles eux-mêmes,
l'intervention d'un maître d'ouvrage, d'un architecte ou d'un
organisme gestionnaire sur de trop grands ensembles ne favorisent pas
une bonne intégration des quartiers nouveaux dans le site urbain, ni
celle des habitants nouveaux au sein de la commune qui les accueille »
Au
début des années 70, la nouvelle orientation du développement
urbain c'est : la Chalandonnette (Albin Chalandon, ministre du logement de 1968 à 1972, en était l'initiateur). Appuyé par des politiques
d'état à nouveau (des subventions, quoi), les programmes de maisons
individuelles se développent, d'abord en collectif groupé puis très
vite en « quatre faces (libres)» avec la bénédiction
intellectuelle de certaines expériences intéressantes comme de
Audrault et Parat ou de collectif groupé dit « proliférants ».
Première tentatives de retour à l'individuel, ici un ensemble de Andrault et Parat.
Fin des années 60, retour à la raison: ruralité et roue de chariot avec cet élégant ensemble "Mon Moulin" du fabricant de sanitaires Porcher. Je les ai déjà fourguées dans un autre article, celles là...
Cette
vision marquera durablement (50 ans) la fabrication du paysage
français, jusqu'à ce que l'on se rende compte, une fois encore de
ses carences (il aura fallut plus longtemps).
Il
faut dire que le processus de fabrication de ces quartiers est
facile : un champs, 4 routes avec trois lampadaires et un
collecteur d'eaux usées, 4 piquets et hop, le tour est joué :
voici un aspirateur à nouveaux habitants, générant au passage,
dans un temps désormais préhistorique, de la taxe foncière
sonnante et trébuchante.
Entre les deux, des expériences intéressantes de logement intermédiaires (du
collectif groupé) ou d'immeuble semi dense (comme par exemple ceux
de Andrault et Parat, Jacques Kalisz ou Roland Simounet)
On
se rend compte aujourd'hui des points faibles de ce modèle. Peut
être valide quand la population était encore à peu près répartie
sur le territoire, ces quartiers deviennent des lieux d'exclusion
dans les déserts français proliférants une fois les activités
économiques parties, les exploitations agricoles disparues, le
pétrole garantissant des déplacements bon marché évanoui.
Lorsque
les baby-boomers nous quitterons définitivement, nous assisterons
probablement dans certains territoires à une explosion de quartiers
fantômes peuplés de maison modèles des années 70 et 80, un peu
comme les zones commerciales abandonnées, autre cadeau de la
politique du zonning des années 60 et 70.
A
ce problème social s'ajoute le problème environnemental :
l'individuel « quatre faces » mange du territoire
agricole et imperméabilise les sols.
La
concentration, appuyé par la pression démographique, reste donc
pour l'instant la norme et l'horizon sur 30 ans au moins peut être (on
voit bien avec l'exemple précédent que les modèles
socio-économiques ou urbains n'ont pas forcément une durée infinie)
Certains
prônent bien un retour à la terre et à la ruralité, qui pourrait
devenir contraint et inévitable dans quelques décennies, mais elle
induirait des changement politiques et économiques qui ne sont pas
encore d'actualité.
On
a jamais stigmatisé le pavilloneur, qui vendait du rêve et bouffait
de la terre agricole, contrairement au promoteur, qui dans
l'imaginaire vend surtout du
béton. Le promoteur est responsable de tout : concentration,
délinquance, mochisation des villes, faim dans le monde, chute des
cheveux (un peu comme l'Architecte, mais sans l'alibi artistique).
Il
a toutefois des copains pour organiser cette concentration. La vague
de Plui (Plan local d'Urbanisme Intercommunal), initié par les pouvoirs politiques et qui ont viennent d'être validés
fin 2019 est à ce titre exemplaire. Pour certains de ces plans (pas
tous) on lit clairement entre les lignes et entre les cartes une
volonté d'organiser la ville, croissante ou décroissante sur un
horizon d'au moins cinquante ans, et de maitriser son développement
selon un scénario clair.
L'exemple
ci dessous en est une illustration. Il s'agit d'une étude de
faisabilité sur trois parcelles en bordure d'un boulevard à quatre
voie.
Sur un tènement foncier de 1530 m2, l'étude de capacité mène
à une surface potentielle de 4425 m2 de plancher, et de 75 logements.
Une construction qui pourrait apparaitre anachronique aujourd'hui.
Le
process de développement du quartier d'implantation est exemplaire.
Bordant un boulevard périphérique marquant autrefois la limite
entre ville et campagne, Il s'est vu garni après guerre de quartiers
pavillonnaires dont la construction s'est étalée sur les trente
glorieuses. Des pavillons construits au bord de la route il y a 50
ans alors que la circulation était supportable.
A
proximité d'un tramway, là encore un outil public de développement
urbain, ces parcelles sont désormais ouvertes à une densification notable.
Certains
pourraient y voir (surtout ces temps de mythe du complot généralisé)
une simple cupidité aux services des puissants et des riches. On
peut aussi se projeter et imaginer ce que les urbanistes et le législateur ont
envisagé : un boulevard métropolitain, probablement desservi
par un TCSP (transport en commun en site propre), aéré, arboré,
vivable.
..mais beaucoup moins dans un plan d'urbanisme imaginé sur 50 ans
Une
simple promenade sur les boulevards des Maréchaux à Paris suffit à
prouver que cela ne relève pas du fantasme pour qui se souvient des
infâmes boyaux grisatres qu'étaient ces artères il y a 15 ans à
peine.
Avant/Après: les boulevards des Maréchaux à Paris
On
peut aussi être étonné de la surface de terrain économisée, avec
dans tous les cas l'impossibilité de retrouver cette surface en
ville désormais. Dans cette hypothèse, 75 familles vivent là ou
auparavant, dans des pavillons devenus difficiles à vivre, 3
familles logeaient.
Emprise au sol pour un même nombre d'habitants...bon, d'accord, un tracteur ne rentre pas dans le parking souterrain..
La
concentration urbaine dans notre système économique, politique mais surtout environnemental actuel semble être une chose inévitable, voir souhaitable dans les années à venir.
Allez voir le quartier de Paris
Masséna, les anciens entrepôts de Bercy ou le quartier des
entrepôts Mac Donald à Paris si vous souhaitez vous en convaincre. Il ne s'agit pas là me semble t'il de quartiers élitistes comme savent l'être les centres villes rénovés, mais plutôt des endroits à visiter si l'on veut voir la vraie ville (et non un décor de cinéma) se construire en ce moment...
Vous pouvez aussi aller sur ces deux articles, condensés d'histoire urbaine expresse, l'un sur le passages de l'Opéra, l'autre sur la ville de Thiers.
Vous pouvez aussi aller sur ces deux articles, condensés d'histoire urbaine expresse, l'un sur le passages de l'Opéra, l'autre sur la ville de Thiers.
Je ne comprends pas votre question...
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