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Patrick Dewaere au Creusot: des logements partagés, fin.

Résumé des précédents épisodes: des gars vachement cools vont construire une maison pour les ancêtres (oups) séniors. Pourquoi Patrick Dewaere? Il faut remonter au premier article...

Problème; si mon commanditaire a bien le terrain, il n'a pas un sou d'avance pour la construction .
Il a par contre un solide carnet d'adresse dans le bâtiment, en particulier auprès des artisans promoteurs de construction « écolos » (le terme n'avait pas encore perdu tout son sens à l'époque), et vaguement aussi un peu bolchéviques sur les bords.
Émerge alors l'idée d'un projet communautaire, à forte teinte sociale et écologique, qui arrive à peu près à regrouper un intervenant pour chaque corps d'état (maçon, charpentier, menuisiers, électriciens...).

Façade Sud du Projet d'Ecuisses


Le dispositif juridique qui nous semble le plus adapté s'appelle alors la sccv, société coopérative de construction vente. L'avantage de ce dispositif est qu'il permet de valoriser le travail en nature, à savoir du temps et de la compétence. Les différents acteurs avancent donc de la main d'oeuvre qui sera reconvertie en parts , qu'ils retoucheront en monnaie sonnante et trébuchante à la vente des logements finis (en faisant un gros résumé).

Aussi, qui dit avance dit immobilisation de capitaux. Plus encore que dans une société privée, et les acteurs présents n'ayant pas un kopek, même de la banque, il faut aller vite. Le capital mobilisable sera investi dans les matériaux (près de la moitié du budget quand même).
Vite et avec une réelle économie de matériaux, donc...



C'est ce qui guidera la conception. Pas de facéties : 6 murs de refends/pignons en agglomérés avec des retours au bout pour le contreventement (empêcher que les murs basculent parce qu'ils ne sont pas tenus), une charpente constituée de poutres allant de murs à mur, une toiture monopan en bac acier floqués en dessous contre la condensation, et d'une seule longueur pour éviter les fuites (ça va jusqu'à 12 mètres, ces bêtes là)sur un pare-pluie rigide en panneaux de fibre de bois (pour éviter le martellement de la pluie)
Les façades sont réalisée en panneaux d'ossature bois, conception simple permettant une isolation conséquente, et qui permet la fabrication simultanée, en atelier, de la charpente et de la maçonnerie sur site.


Un immeuble réalisé selon ce principe de SCCV dans un ancien bâtiment de caserne

40 centimètres d'isolation partout, murs, plafonds (aujourd'hui, ça fait un « R » de 10), les murs maçonnés sont isolés par l'extérieur.

Au final, les logements ont juste besoin de petits convecteurs pour chauffer, avec un complément par un poêle : les anciens vous le diront, il faut quelque chose qui fasse du chaud (du show aussi, d'ailleurs, genre Michel Drucker). En plus, ça ne les dépayse pas. Un poele de 4kw dans des logements pareil équivaut aux poêles en fontes de 20kw que l'on trouve souvent dans les campagnes.

Des verres avec la marque rouge du niveau du vin, une toile cirée avec des scènes de chasse, un néon au dessus de la table de la cuisine et rop !, malgré le look contemporain de la batisse, imaginés par des beatniks de la ville, on se croit vraiment à la maison (l'ancienne, la vraie).


En second œuvre, vive l'audace. Un sol ciré (juste un béton avec un coup de poudre de quartz et de talochage mécanique autrement connu sous le nom d'hélicoptère + une cire, facile et pas cher), carrelage uniquement dans les salles de bains, murs de refend en agglomérés pleins (pour l'inertie et le bruit) rectifiés juste peint (sisi, c'est élégant, je le fais souvent, avec des plinthes en pieds de murs)
En placo, les cloisonnements et les plafonds.
Du simple, du solide, du vite construit (ce qui ne veut pas dire mal construit)

Résultat : 70000 euros HT par logement, réseaux et voiries, local vélo (pour le bois) et poubelles inclus.
1126 Euros/m2, ce qui, pour du semi collectif, n'est pas mal...

Façade Nord


L'idée de la SCCV à tourné court.
Mon camarade a du faire face, euhh, disons, à des soucis de gestion (de clients mauvais payeurs, surtout), et a depuis eu bien d'autre chats à fouetter.

De plus, si les résidences pour vieux (oups) séniors poussent désormais comme des champignons dans la campagne française, à l'époque, le concept était encore osé...

De même que les artisans, j'aurais sinon converti mon travail en parts de la sci (et donc en brozouf). Ne reste de cette belle idée communautaire, pour moi (et surtout pour mon porte-monnaie) que quelques crobards sympa, des moments rigolos avec des gens qui avaient envie de faire bouger les choses et pourquoi pas,  l'illusion de créer des vocations chez d'autres aventuriers du même tonneau.... 
 

 

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